Equinox – The Cry Of Gaïa review on Metal Integral
Un mélange savoureux entre classicisme et modernité, mélodies et puissance, lumière et obscurité, joie et mélancolie…
« Il y a plus de larmes versées sur la Terre, qu’il n’y a d’eau dans l’océan. »
(BOUDDHA)
Cette citation du prince SIDDHÂRTA est un ne plus vrai aujourd’hui qu’il y a 2500 ans. Effectivement, l’être humain n’a jamais été aussi cruel envers ses semblables, les autres espèces animales ainsi que sa propre mère, la Terre, que depuis les deux derniers siècles, durant lesquels son esprit belliqueux n’a jamais cessé de fonctionner à plein régime. Et à travers les larmes humaines, c’est notre planète, que nous faisons tant souffrir, en versant le sang de ses enfants, qu’il s’agisse de nos compatriotes humains ou d’animaux d’autres formes. C’est elle qui se lamente et s’épuise émotionnellement. Mais, comme les trois singes de la sagesse, nous préférons ignorer sa tristesse et ses messages pour nous concentrer uniquement sur notre égocentrisme et l’argent, bien que soyons conscient(e)s que nous ne les apporterons pas avec nous dans nos tombes.
Et ce mal qui ronge notre maison naturelle finira par nous mener à notre perte. Nous ne méconnaissons pas cette réalité. Nous préférons, toutefois, fermer les yeux sur cette vérité et poursuivre notre course effrénée à la cupidité malsaine.
Cela dit, une troupe de ménestrels a, semble-t-il, éveillé sa conscience sur ce sujet épineux et a retranscrit en musique l’appel déchirant de notre créatrice. Il s’agit d’EQUINOX, un quatuor constitué de fabuleux instrumentistes français, dont certains sont déjà connus sur la scène metal hexagonale. Ceux, dont vous avez déjà entendu parler, sont au nombre de trois : le vocaliste Emmanuel CREIS, qui évolue au sein du groupe de heavy progressif SHADYON ; le bassiste Pascal MULOT, membre éminent de SATAN’S JOKERS, tout comme le batteur Aurélien OUZOULIAS, lui aussi diablotin dans la formation menée par Renaud HANTSON. Le quatrième et dernier composant d’EQUINOX, qui est également son fondateur, le guitariste INOPHIS, tout aussi talentueux que ses collègues.
L’histoire d’EQUINOX est, somme toute, assez originale, puisqu’il a fallu qu’INOPHIS aille s’exiler partiellement en Chine, jouer devant des foules de mélomanes asiatiques, pour avoir le déclic d’échafauder son projet subséquent, que je chronique aujourd’hui. Le six-cordiste, qui joue sur un modèle fabriqué uniquement pour lui par le luthier taïwanais Farida, a su s’entourer d’une équipe de musiciens solides, avec du bagage, pour nous proposer un power metal néo-classique à tendance symphonique, comme le prouvent les orchestrations d’arrière-plan qui ne sont pas seulement là pour apporter des ambiances baroques, mais qui soutiennent aussi l’ensemble en se fondant dans la masse sonore métallique, dans une parfaite union entre force et mélodies.
Même si les influences du guitariste breton se ressentent clairement, ce dernier a su les transcender pour en tirer le meilleur et, surtout, le plus personnellement possible. Ce qui rend cette galette artistiquement intéressante, en dehors de l’interprétation magistrale de la formation francilienne. En supplément de touches parcimonieuses progressives qui ajoutent un côté technique qui permet d’aérer le tout en évitant l’asphyxie d’emphase grâce à de judicieuses interruptions syncopées ainsi qu’à des passages acoustiques bienvenus qui éludent l’indigestion d’arrangements philharmoniques. Ainsi, The Cry Of Gaïa reste bien équilibré dans sa structure et ne fait aucunement l’objet d’un quelconque ennui, ceci bien qu’il ne renouvelle pas le genre stylistique pratiqué.
Toutefois, il est fort heureux que les titres ne dépassent pas les 5 minutes, sinon cet opus aurait été longuet sur sa durée. Le génie d’Inophis nous a évité lourdeur et lassitude, contrairement à d’autres enregistrements studios du même acabit réalisés par d’autres groupes européens. Ceci dit, les morceaux qui sortent du lot sur The Cry Of Gaïa sont la chanson éponyme, la reprise de The Show Must Go On de QUEEN et la power ballade Amber. Le reste est plus conventionnel, sans pour autant tomber dans le désuet. Le seul reproche qui pourrait être fait à cette galette est un mixage pas toujours bien proportionné entre le chant et les instruments et un mastering qui manque quelque peu d’aplomb. Ces deux petites erreurs ne permettant pas réellement de dynamiser la totalité du disque, qui perd parfois en intensité. Ce qui est dommage vu sa qualité.
Néanmoins, The Cry Of Gaïa démontre bien la virtuosité de nos quatre gaulois, que ce soit en terme de composition, de musicalité ou d’exécution. Ce premier opus est d’une habileté étonnante pour un début, ce qui est rare dans le metal, tous genres confondus. En même temps, vu le passif des musiciens, il était normal que le résultat soit aussi spectaculaire. Voilà une formation qui risque de décoller si elle évite les minuscules écueils que j’ai cités plus haut sur le plan de la production. Finalement, il est agréable de constater que les frenchies ne font pas exclusivement que hurler brutalement en « faisant du bruit », comme les nombreuses hordes de metal extrême qui foisonnent un peu partout en France, et que certain(e)s s’adonnent corps et âme à une musique plus artistique, taillée dans la dentelle, subtile et presque fragile, malgré l’énergie qui s’en dégage. Il est surprenant qu’Equinox ne se soit pas constitué plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais, dit-on. Il fallait une certaine synchronicité pour que l’alchimie puisse survenir au moment même où elle devait surgir. Dans tous les cas, je tire mon chapeau à ce quartette et à son œuvre originelle qui permet au pays de Molière de renouer avec la grandiloquence, le raffinement, le savoir liturgique et séculier ainsi que l’habileté depuis l’esquive volontaire de HEAVENLY, l’autre représentant majeur de la scène power metal néo-classique symphonique tricolore, dont les nouvelles sont rares depuis sept longues années maintenant. Si vous ne savez pas quoi vous mettre sous la dent musicalement, n’hésitez pas à croquer de l’EQUINOX, un mélange savoureux entre classicisme et modernité, mélodies et puissance, lumière et obscurité, joie et mélancolie. Une crêpe plus que goûteuse qui vous laissera un bouquet sucré en bouche et vous incitera à reprendre un bout dès que le prochain album sera dans les bacs.
Line-up :
• Emmanuel CREIS (chant)
• Inophis (guitares)
• Pascal MULOT (basse)
• Aurélien OUZOULIAS (batterie)
Equipe technique :
• Steve PRESTAGE (production, mixage, mastering)
Tracklist :
1) Moon And Sun
2) The Cry Of Gaïa
3) Time Of The Chosen
4) Wings Of Fire
5) I Had A Dream
6) The Show Must Go On (reprise de Queen)
7) Breath Of Life
8) In The Eye Of Prophecy
9) A Light In The Chaos
10) The Gates Of Universe
11) Amber
12) The End Or Rebirth
Durée totale : 49 minutes
Discographie :
• The Cry Of Gaïa (2014)
Rating : 15/20